Dossier à synthétiser : une médecine humaniste
Le sujet Il traite d'une médecine « humaniste » … :
première réflexion = il ne s'agit pas d'une médecine humanitaire, mais humaniste, qui met l'homme au centre de ses préoccupations (cf. la Renaissance, où l'on ne met plus au centre Dieu mais l'homme)
… qui « prenne en compte les problèmes de l'individu »
seconde réflexion = l'individu ne se résume pas à sa maladie, à son symptôme ; l'individu, cela va au-delà du malade, en incluant un être social, avec des « problèmes » d'ordre social, philosophique, sentimental, de croyances, etc.
La synthèse est, comme d'habitude, objective (= on ne me demande pas ce que j'en pense — sauf dans la conclusion —, mais ce qu'en disent les auteurs des différents documents), concise (= elle est plus courte que le dossier et me dit en peu de place tout ce qui est contenu dans le dossier) et ordonnée (= elle dégage un axe général au dossier, met en évidence son ou ses centres d'intérêt, ce qui exige une mise en ordre, qui n'existe pas au départ dans les documents qui constituent ce dossier).
Les documents
Ils sont tous du XXe siècle, s'étalant de 1923 à 1993. Ils appartiennent à des genres différents, qui exigent donc des approches différentes pour être analysés : un extrait d'une pièce de théâtre (approche analyse littéraire, en tenant compte de la spécificité du théâtre, destiné à un public vivant, qui est complice de la situation dans laquelle on l'introduit, mais aussi qui met en œuvre des procédés littéraires) ; un discours, dont il faudra resituer le contexte ; un essai, aux visées économiques ; un article de journal grand public ; un dessin humoristique, qui met en œuvre des techniques particulières, celles de l'iconographie, exigeant un décryptage.
Le travail sur chaque document
On va lire chaque document avec le souci de ne rien oublier des idées essentielles qu'il contient, mais en ayant surtout en tête le sujet proposé : en quoi ce document traite-t-il du sujet : « médecine humaniste, qui mette au centre l'individu et ses problèmes ». En effet, ces documents auraient à la limite pu être réunis pour traiter d'un autre sujet, d'une autre thème. Il ne faut donc pas se disperser, mais traiter le sujet proposé.
Rappel essentiel
Il ne s'agit pas d'une dissertation dont le sujet serait : « La médecine oscille de plus en plus entre deux tendances : celle, humaniste, qui met l'homme au centre, dans toutes ses dimensions, et pas seulement celle de malade, et celle, plus technicienne, plus “économiste”, qui ne traite que de la seule maladie. Qu'en pensez-vous ? » Il s'agit d'une synthèse de documents, qui tournent tous autour de ce problème. Elle ne peut être réalisée qu'à partir des seuls documents proposés, des seules idées qui y sont exposées. Seule la conclusion vous ouvre la possibilité d'exposer vos propres idées : elles sont exclues du reste du devoir. Enfin, la qualité maîtresse que nous voulons développer et vérifier est la capacité à ordonner des idées disparates et contradictoires selon un axe simple et cohérent, tel que l'intérêt du dossier apparaisse nettement.
Méthode de travail
Il s'agit donc maintenant de travailler sur chaque document, d'en extraire toutes les idées essentielles qui, d'une manière ou d'une autre, nous parlent du problème de la médecine humaniste. L'idéal est de procéder en consacrant à chacun un recto de feuille de brouillon, en concluant chacun par un petit bilan, qui mette aussi en évidence les relations avec les autres documents (contradiction, renforcement, convergence, etc.). Il sera ainsi plus facile de jeter sur l'ensemble un regard déjà synthétique, où l'intérêt d'ensemble, les rapports entre chaque document et donc la mise en ordre de la synthèse seront plus faciles à établir.
DocUMENT 1 : Knock (littérature, théâtre, public)
Contexte : 1923, milieu rural, rachat d'une clientèle.
Progression tout au long de l'extrait : effet comique (penser au public !) : Knock semble d'abord s'intéresser aux malades (rhumatisants), puis en vient aux maladies (pneumonies, pleurésies = métonymies), avant de s'intéresser aux moyens par lesquels son prédécesseur a fait fortune. Les réponses de ce dernier sont elles aussi marquées par une progression, mais elles nous en disent long sur les malades et leurs croyances par rapport à la médecine (cf Doc 4) : les rhumatisants ne croient pas aux médecins pour leur maladie ; la sélection naturelle se charge de choisir ceux qui survivent et le médecin n'y peut rien ; quant aux grippés, ils ne consultent qu'en dernier ressort… Alors que peut un médecin ? Au mieux, faire des statistiques et être fier quand son département arrive en tête de la mortalité par grippe !
Petit bilan : effet comique. La situation semble être celle de deux maquignons qui marchandent sur le prix d'une bête : ça ne rapporte pas gand chose ! Le médecin serait essentiellement préoccupé de gagner une fortune, au milieu de paysans arriérés et stupides, qui ne croient pas à la médecine. Au mieux, il est un observateur des mœurs, des croyances, des statistiques, mais impuissant et simple commerçant. Le malade n'est en rien au centre, sinon peut-être comme « cochon de payant » !
DocUMENT 2 : Dautry
Contexte : il s'agit, en 1929, du discours que l'ingénieur Dautry, patron de l'ancêtre de la SNCF prononce devant les médecins du travail, employés de la compagnie.
Contenu : la mortalité infantile est liée à l'absence d'hygiène et de soins aux bébés. Le logis, sa tenue, sont du domaine de compétence du médecin. Le logement contribue à la santé. Le médecin est un soignant et un éducateur, en matière de propreté, de soins aux enfants (sous-entendu : des agents) et de conseils par rapport à la vie sociale. Notion de générosité (dimension morale, relationnelle) Il a un rôle social : prophylaxie/ contagion à toute la famille : il ne s'intéresse pas aux seuls agents des chemins de fer. Ceux-ci sont aussi des maris et des pères. Les maladies (tuberculose, syphilis) ont une dimension sociale. Le métier de médecin va au-delà de sa dimension technique. Conclusion: tout cela pour le bien … du réseau ! Il y a une dimension de rendement, de productivité des dépenses médicales et sociales…
Petit bilan : voilà une définition de la médecine qui est bien éloignée de celle de Knock, bien que contemporaine. Le malade est au centre, dans toutes ses dimensions, pas seulement celle de sa pathologie, mais aussi dans son environnement. Il faut traiter, mais aussi éduquer, viser les racines du mal, enrayer la contagion du mal. Le médecin prend en compte toutes ces dimensions et il est généreux, plus grand que sa technique. Mais incontestable paternalisme (un irresponsable qu'il faut éduquer) et but suprême : le bien … de la société des chemins de fer !!! L'humanisme incontestable est au service final de l'économie et de l'entreprise.
DocUMENT 3 : Minc, essayiste, essentiellement économiste.
Attention au titre de l'ouvrage : La machine égalitaire : dimension générale et non spécifiquement médicale. Récent : 1987.
Contenu : Démarche démographique : Hôpital = 50 % des dépenses de santé ; pour 4/5 : maladies graves ; dont 2/3 personnes âgées. Conclusion = nos dépenses de santé sont concentrées dans les 3 dernières semaines de la vie. Tendance générale : société médicalisée et vieillesse surmédicalisée. Les frais de santé croissent du fait de considérations politiques (droit à la santé), de tendances liées au progrès (comportement médical et progrès technique) Problème : il y a moins de jeunes et moins de ressources. Il y a donc tension entre deux exigences : le possible médical et le possible financier. Solution inévitable : l'euthanasie. Elle est révoltante, mais elle se fera et même elle se fait. Et c'est humainement insupportable, parce que cela se voit, parce que c'est aléatoire et que c'est lié à la fortune. Conclusion : qui est responsable de tout cela ? C'est … le vieillissement de la population !!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Petit bilan : Il n'est pas question une seconde de l'homme, mais de macroéconomie, de démographie. La maladie, ce n'est pas un être humain, mais un coût ! (NB je me réserve dans un coin de la tête un petit développement pour ma conclusion finale et personnelle sur la conclusion de l'énarque Minc : ainsi, ce n'est pas le système qui est pervers, c'est le vieillissement de la population, ce qui pourrait pourtant être considéré comme une victoire de l'humanité !)
DocUMENT 4 : Revue médicale grand public. Auteur : un journaliste. Très récent (1993)
Contenu : il part à l'inverse : les rapports des malades avec leurs médecins. Ils sont faits de respect, de vénération (mot à connotation religieuse), de confiance, au point que le malade a du mal à critiquer son médecin. Cela tient aux racines historiques de la médecine : magie, religion. Et même si la médecine devient plus efficace, plus technique, cela ne fait que renforcer son caractère magique. Même lorsque la médecine échoue relativement (elle ne peut triompher de la mort et elle ne résoud pas tout), la confiance demeure. Mutation cependant dernièrement : demande d'explications, de dialogue. La confiance reste mais elle s'assortit d'une demande de partenariat. Apparaît la notion de « consommateur de santé adulte ».
Petit bilan : La perspective est renversée. Le malade est au centre ; il demande à comprendre, ce qui implique un dialogue. Il est donc demandeur d'être conçu comme un individu et pas seulement comme un objet technique, un symptôme. La relation est essentiellement (intrinsèquement) de nature humaine, y compris avec les aspects irrationnels (magie) que cela implique. La notion finale de « consommateur » est cependant ambiguë : elle tend peut-être à réintroduire le malade dans une dimension économique. Mais ce peut être aussi le signe d'une exigence d'être autre chose qu'un objet face à un technicien. Pas clair.
DocUMENT 5 : Serre, dessin humoristique. Attention au titre du recueil : Humour noir.
Contenu : le dessin est effectivement sinistre, très noir. Pas d'êtres humains, mais des fonctions : malade, infirmier, mort, croque-mort. Symétrie : entrée-sortie ; mêmes véhicules habillés différemment ; des gens portés (vivants ou morts). Impression d'un cycle qui n'a pas de fin : on arrive, on meurt (cachés), on sort en corbillard. C'est une chaîne de production. Le malade voit son avenir : la mort. Terreur dans leurs expressions. La mort, elle, est cachée : l'hôpital est un mouroir (cf Minc). Il n'y a personne d'autre dans cet univers terrible.
Petit bilan : confirme Minc quant aux fonctions de l'hôpital. La mort, qui est un moment essentiel de la vie, de l'individu, de la personne humaine, le sommet de l'humanité de l'homme, est un simple acte technique, comptable, statistique, financier, industriel. Elle est cachée. Les malades sont non seulement niés comme personnes, mais aussi désespérément seuls. La technicité induite par l'hôpital aboutit à une déshumanisation totale. Elle ne sert d'ailleurs à rien : on en sort comme on y est entré : « les pieds devant ».
Que faire maintenant que chaque document a été dépecé ?
On peut désormais prendre du recul et jeter un regard d'ensemble : que nous dit ce dossier, pris comme un tout, en ce qui concerne la médecine humaniste, celle qui met l'individu et l'ensemble de ses problèmes au centre ?
1 - Première remarque : elle est mal partie ! 2 - Mais aussi : on discerne ce que pourrait être une médecine humaniste, ne serait-ce qu'en disant ce qu'elle n'est pas ! On en trouve des éléments dans chaque document (1, 2, 3, 4), dans les rares aspects positifs de chaque doc., y compris dans l'exigence que soient pris en compte les aspects magiques, relationnels entre malade et médecin. 3 - Mais tout va à l'encontre : s'il s'agit de faire produire (2), s'il s'agit de s'intéresser à l'aspect économique, du médecin (1), de l'entreprise (2), de la société dans son ensemble (3), ou s'il s'agit de ne partir que de la technique (2, 3, 4, 5). Le dessin est l'horreur anti-humaniste totale, le contre-exemple parfait. 4 - cependant, les malades continuent d'attendre beaucoup des médecins, dans une relation essentiellement humaine.
Ces différents éléments de bilan peuvent me permettre d'ordonner ma synthèse : 1 dans l'introduction 2 et 3 : les deux parties de mon développement; 4 dans la conclusion générale.
Reste à rédiger les deux parties du développement (directement au propre), puis la conclusion générale (très brève) et enfin l'introduction (désolé, mais c'est logique !). Et, enfin, après avoir accompli le devoir d'objectivité, on peut se laisser aller à dire ce que l'on en pense : pour ma part, je ne résisterais pas à l'envie de me « payer » Minc ! Mais chacun fait ce qu'il veut : la conclusion est personnelle !
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