FRANÇAIS - GROUPE 2 - Session 2003

 

Action commerciale, animation et gestion touristique locale, assistant de direction, assistant secrétaire trilingue, assistant de gestion de PME-PMI, commerce international, force de vente, ventes et productions touristiques.

 

SYNTHÈSE DE DOCUMENTS

 

Vous ferez une synthèse objective, concise et ordonnée de ces documents, qui traitent du paysage.

Puis dans une conclusion personnelle et argumentée, vous donnerez votre point de vue sur le sujet proposé.

 

Document 1 : François BEGUIN, Le paysage, Éditions Flammarion, 1995.

Document 2 : Michel PERIGORD, Le paysage en France, PUF, Que sais je ?, 1996.

Document 3 : Éditorial, Revue des Deux-Mondes, mars 2002.

Document 4 : Marguerite YOURCENAR, Nouvelles Orientales, « Comment Wang-Fô fut sauvé », 1963, Éditions Gallimard.

Document 5 : Eau-forte de Johann Friedrich Schleuen, 1756, « Vue du château et des jardins de Sans-Souci », Célèbres châteaux d'Europe, Marianne BERNAHRD, Éditions J. Lazarus, 1991.

 

DOCUMENT 1

 

Si la surface terrestre est aujourd'hui souvent appréciée en termes d'environnement, et si l'inquiétude écologique est désormais partagée par beaucoup, la question des paysages s'ajoute fréquemment à ces préoccupations. Les formidables bouleversements qu'a connus le territoire depuis une cinquantaine d'années justifient en grande partie cet intérêt. L'extension désordonnée des villes et des villages, le développement des infrastructures touristiques sur les côtes et dans les montagnes, les transformations de l'agriculture, les grands réseaux de transport des marchandises, des énergies et des personnes, ont considérablement modifié la physionomie du monde qui nous entoure. Jamais sans doute, dans toute l'histoire de l'humanité, la surface terrestre n'avait encore connu une évolution aussi rapide, brutale, et d'une telle envergure.

 

C'est dans le domaine du paysage que les résultats de ces grands bouleversements sont les plus apparents. Ils sont violemment contestés par certains, au nom des paysages anciens que beaucoup de bâtiments et d'infrastructures modernes ont dévastés, et parce que ces travaux donnent souvent le sentiment de ne pas être animés par la conscience des effets qu'ils provoquent et du monde hostile qu'ils construisent. Jusqu'à même laisser croire, pour paraphraser René Char, au retrait de l'homme de son décor terrestre.

 

Les problèmes soulevés par ces transformations sont toutefois distincts de ceux qui ont pendant longtemps occupé la pensée écologique. Ils concernent davantage l'évolution physionomique de nos villes et de nos campagnes que la qualité de l'air que nous respirons ou de l'eau qui coule dans nos rivières. C'est en quelque sorte l'image que les lieux donnent d'eux-mêmes que nous apprécions dans un paysage. Et les qualités de cette image sont perceptibles sans le recours à des appareils de mesure compliqués.

 

Le paysage n'en demeure pas moins une réalité complexe. Le sens même du mot est ambigu. En premier lieu, il sert aussi bien à désigner l'espèce de grande toile de fond qui accompagne nos déambulations à la surface de la terre que l'objet principal d'une investigation savante : le paysage du peintre ou du géographe. Ensuite, la plupart des paysages dont nous parlons aujourd'hui sont le résultat d'une très longue histoire dont les principaux acteurs n'ont que très peu, et très tardivement surtout, fait une référence explicite à cette dimension : ni les grands temples de l'Antiquité ni les terroirs de nos campagnes ne furent conçus du point de vue des paysages qu'ils constituaient, alors même qu'ils ont pour nous valeur d'exemple en ce domaine. Enfin l'histoire de la notion de paysage révèle que le mot a plutôt servi d'abord à qualifier des manières de voir que des manières de faire. Ce sont les peintres, puis les géographes et les romanciers qui ont donné à cette notion ses principales significations, et non les paysans ou les grands bâtisseurs. Souvent implicite, la référence de l'architecture aux paysages mérite cependant d'être examinée avec attention. Elle organise en effet une vision autant qu'elle oriente une action.

 

Savoir ce qui différencie les paysages les uns des autres, connaître leur évolution et les processus dont ils résultent, évaluer les éléments qui les enrichissent ou les amoindrissent, identifier le rôle qu'ils tiennent dans la vie d'une personne ou d'un peuple, supposent dès lors un certain apprentissage. De multiples branches du savoir y contribuent. La géographie, bien sûr, qui peut nous apprendre comment les paysages se construisent et se transforment, mais également la littérature, la peinture ou la philosophie, qui elles, nous disent plutôt quels sont les paysages qu'affectionnent particulièrement un homme ou une époque, et comment nous pouvons essayer de comprendre ces attachements. Cela permet de prendre la mesure des enjeux importants que la question des paysages recoupe. Associés à l'histoire de nos sociétés comme un patrimoine d'images partagées qui fonde une identité, les paysages sont aussi quelquefois partie prenante dans le devenir des individus : nous habitons certes des maisons, des quartiers, des villes ou des régions, mais nous habitons aussi des paysages. Ils peuvent ouvrir la vie sur des dimensions plus vastes que celles où se trouve généralement cantonnée l'activité humaine.

 

On a pu ainsi dire que le paysage jouait un rôle de médium par rapport à l'immensité du monde naturel, et qu'il rendait possible un contact fructueux avec des dimensions qui nous dépassent. Ces échanges apparaissent cependant vulnérables parce qu'ils reposent sur des harmonies difficiles à contrôler. La volonté de protéger les paysages s'explique en partie par cette fragilité et par l'incertitude qui pèse sur l'aptitude de nos sociétés à fabriquer de nouveaux paysages.

 

François BEGUIN, Le paysage, Éditions Flammarion, 1995.

 

DOCUMENT 2

 

Inventé à la Renaissance, le mot paysage désignait à l'époque une œuvre d'art qui servait de toile de fond à des scènes de la vie religieuse de la chrétienté. Aujourd'hui le mot recouvre une multitude de sens allant des paysages imaginaires aux paysages virtuels en passant par les expressions de paysage politique, juridique ou audiovisuel, sans grand rapport avec l'origine du mot.

 

De l'époque des premiers peintres paysagistes à celle des paysagistes aménageurs, quatre siècles se sont écoulés au cours desquels la dimension des aménagements n'a cessé de croître, passant du jardin au parc, pour atteindre actuellement des proportions gigantesques, comme par exemple l'intégration paysagère des autoroutes, mais toujours avec pour préoccupation de favoriser l'émergence d'une certaine harmonie.

 

Dans le tourbillon des mutations actuelles, le paysage apparaît comme un élément de stabilité et de permanence alors même qu'il n'échappe pas à la crise de la société globale. L'aristocratie, relayée plus tard par la bourgeoisie, fonde à travers les arts (peinture, architecture, jardins et littérature), une véritable civilisation paysagère imprégnant profondément les strates de la société française contemporaine, au point que s'exprime un authentique besoin de paysage. Par ses connotations identitaires, le paysage rassure, et l'attractivité des hauts lieux en fait un objet marchand : le paysage se vend.

 

Pour les géographes, le paysage se réduit à la portion d'espace perçue par un observateur à partir d'un point donné. En 1969, G. Rougerie relevait même dans l'introduction de sa Géographie des paysages (1) une véritable fragmentation du paysage, par ceux pour qui, par souci de précision et de finesse dans l'analyse, il n'existait que des « paysages morphologiques, végétaux, agraires ou urbains ». Depuis une quinzaine d'années, la géographie des paysages suscite une multitude de recherches qui, bien que très éclatées, ont donné naissance à des travaux d'envergure conduits par Augustin Berque, Georges Bertrand, Yves Lacoste, Yves Luginbuhl, Jean-Robert Pitte, François Thomas, Jean-Claude Wieber... Si la géographie « est le savoir du paysage », comme le prétend Michel Serres, traiter de la question du paysage est bien une priorité ; c'est encore aussi une véritable aventure à l'intérieur des sciences humaines.

 

Concept faiblement médiatisé en France dans les années 80, la reconnaissance du paysage par la loi du 3 janvier 1993 a officialisé l'émergence de la sensibilité du public. Désormais, le paysage est un thème à la mode : à titre d'illustration de ce phénomène, nombre de régions programment la publication d'atlas des paysages. Toutefois, la notion même de paysage n'a pas reçu à ce jour de définition satisfaisante.

 

Concept fondateur de la géographie pour P. Vidal de La Blache, érigé en « médiation entre le monde des choses et celui de la subjectivité humaine » pour A. Berque, le paysage et son renouveau « dans la crise et le désordre » inspirent à F. Thomas espoir et réconfort.Facilitée par l'évolution des moyens d'investigation qui objectivisent considérablement la connaissance de l'espace, l'approche géographique des paysages, qui se veut globale, sert à appréhender les formes d'un espace humanisé, empreint de culture et de travail. Fait nouveau, les méthodes développées par les géographes servent à la prise en compte d'aspects qualitatifs dans les politiques de gestion et d'aménagement des paysages. Sollicités par les fonctionnaires et les élus, les géographes apportent savoir-faire, expérience de terrain et... sensibilité sur un thème où interfèrent homme, nature et histoire.

 

Par ailleurs, les politiques paysagères ne peuvent plus ignorer une opinion publique qui nourrit, dans un réflexe de protection, un mouvement de revendication identitaire de plus en plus fort, anticipe les évolutions paysagères futures et perçoit à présent le paysage en terme de pouvoir. Si la loi semble en mesure de protéger les paysages emblématiques (littoraux, montagnes, hauts lieux), elle commence seulement à fixer et répartir les pouvoirs des uns et des autres sur cet objet. (...)

 

Notion avant tout culturelle, produit d'une expérience sensorielle complexe et de cinq siècles d'interaction entre le rêvé et le réel, le paysage est aujourd'hui reconnu de tous, comme objet de négociation ou comme élément de gestion de l'espace face aux questions posées par l'évolution de notre société.

 

Michel PERIGORD, Le paysage en France, PUF, Que sais-je ?, 1996.

 

(1) G. Rougerie, Géographie des paysages, « Que sais-je ? », n° 1368, Paris, PUF, 1969.

 

DOCUMENT 3

 

Il y a désormais, en France, une question posée sur le paysage. Cela seul pourrait justifier la présentation d'un dossier s'il fallait vraiment se justifier d'aborder une telle affaire, car c'en est une. Comment en est-on arrivé là ? Pendant des siècles, le paysage français a figuré à lui seul une métaphore identitaire : la géographie, les façons multiples dont les générations avaient donné forme à cette géographie formaient un tout à la fois complexe et harmonieux. Encore tout récemment, Gracq, géographe de profession avant d'être devenu l'écrivain que l'on sait, disait son plaisir d'être resté lecteur du Vidai de La Blache. Enfin, les légions de touristes qui affluent chaque année en France témoignent de cette pérennité : ce qu'on vient voir, c'est d'abord une somme de paysages avant les musées et les cathédrales. On peut vivre longtemps d'une réputation qui ne se croit plus d'obligations à l'égard d'elle-même et à l'égard d'autrui. Mais vient un moment où il faut s'expliquer, où l'on voit bien que quelque chose ne va pas. Or ce moment est venu. Il y a quelque chose de pourri au royaume du paysage en France, et il n'est pas concevable de laisser morte une telle constatation. Soyons bien clairs : il ne s'agit pas ici, aucun des signataires de ce dossier n'en disconviendrait, de se lamenter, de pleurer la disparition d'un âge d'or. Ce serait ignorer qu'il est dans son principe même d'avoir une histoire et que cette histoire implique mort, séparation et recommencement. Donc, pas de nostalgie, mais non plus d'illusion moderniste. Or c'est précisément en cet endroit que le bât blesse : tout se passe en France comme si l'on versait, en même temps, des deux côtés. A la fois fétichiste et destructeur : la petite chapelle érigée en objet de patrimoine intouchable, mais au bord d'un de ces ridicules ronds-points dont les routes d'accès aux villes et aux villages sont désormais affligées. Ne parlons pas de l'abattage d'arbres coupables de meurtres quand c'est l'absence de civilité au volant qui tue, et l'on pourrait dresser le terrifiant catalogue des petites maisons individuelles (ce n'est pas leur principe qui est en cause) qui pullulent en dépit du bon sens, au hasard de la spéculation immobilière.

 

Beaucoup de confusion : qui dit paysage ne dit pas environnement qui ne dit pas non plus forcément cadre de vie. Or, tout le monde fait comme si tout cela se mélangeait. Est-il possible d'être un peu moins bête ? Voir, penser le paysage ne doivent pas être des velléités, des sujets chimériques pour colloques inutiles. On peut, on doit pouvoir s'occuper du paysage comme d'une équation où s'échangent la culture et la nature, la politique et l'esthétique. Il y va clairement du visage que nous donnons de nous-mêmes en société. Un visage ne ment pas, quelque habileté que l'on mette à en dissimuler les tares. S'agissant du paysage, la constatation est encore plus vraie.

 

Éditorial, Revue des Deux-Mondes, mars 2002.

 

DOCUMENT 4

 

Mon père avait rassemblé une collection de tes peintures dans la chambre la plus secrète du palais, car il était d'avis que les personnages des tableaux doivent être soustraits à la vue des profanes, en présence de qui ils ne peuvent baisser les yeux. C'est dans ces salles que j'ai été élevé, vieux Wang-Fô, car on avait organisé autour de moi la solitude pour me permettre d'y grandir. Pour éviter à ma candeur l'éclaboussure des âmes humaines, on avait éloigné de moi le flot agité de mes sujets futurs, et il n'était permis à personne de passer devant mon seuil, de peur que l'ombre de cet homme ou de cette femme ne s'étendît jusqu'à moi. Les quelques vieux serviteurs qu'on m'avait octroyés se montraient le moins possible ; les heures tournaient en cercle ; les couleurs de tes peintures s'avivaient avec l'aube et pâlissaient avec le crépuscule. La nuit, quand je ne parvenais pas à dormir, je les regardais, et, pendant près de dix ans, je les ai regardées toutes les nuits. Le jour, assis sur un tapis dont je savais par coeur le dessin, reposant mes paumes vides sur mes genoux de soie jaune, je rêvais aux joies que me procurerait l'avenir. Je me représentais le monde, le pays de Han au milieu, pareil à la plaine monotone et creuse de la main que sillonnent les lignes fatales des Cinq Fleuves. Tout autour, la mer où naissent les monstres, et, plus loin encore, les montagnes qui supportent le ciel. Et, pour m'aider à me représenter toutes ces choses, je me servais de tes peintures. Tu m'as fait croire que la mer ressemblait à la vaste nappe d'eau étalée sur tes toiles, si bleue qu'une pierre en y tombant ne peut que se changer en saphir, que les femmes s'ouvraient et se refermaient comme des fleurs, pareilles aux créatures qui s'avancent, poussées par le vent, dans les allées de tes jardins, et que les jeunes guerriers à la taille mince qui veillent dans les forteresses des frontières étaient eux-mêmes des flèches qui pouvaient vous transpercer le coeur. A seize ans, j'ai vu se rouvrir les portes qui me séparaient du monde : je suis monté sur la terrasse du palais pour regarder les nuages, mais ils étaient moins beaux que ceux de tes crépuscules. J'ai commandé ma litière : secoué sur des routes dont je ne prévoyais ni la boue ni les pierres, j'ai parcouru les provinces de l'Empire sans trouver tes jardins pleins de femmes semblables à des lucioles, tes femmes dont le corps est lui-même un jardin. Les cailloux des rivages m'ont dégoûté des océans ; le sang des suppliciés est moins rouge que la grenade figurée sur tes toiles ; la vermine des villages m'empêche de voir la beauté des rizières ; la chair des femmes vivantes me répugne comme la viande morte qui pend aux crocs des bouchers et le rire épais de mes soldats me soulève le cœur.

 

Marguerite YOURCENAR, Nouvelles Orientales, « Comment Wang-Fô fut sauvé », 1963, Éditions Gallimard.

 

DOCUMENT 5

 

 

Eau-forte de Johann Friedrich Schleuen, 1756, « Vue du château et des jardins de Sans-Souci », Célèbres châteaux d'Europe, Marianne BERNAHRD, Éditions J. Lazarus, 1991.

 

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