Scène 2
Entrée de Mademoiselle OV357, suivie d'un homme d'affaire, trempé jusqu'aux os, portant un costume noir et une énorme valise noire.
Mademoiselle OV357 (à Miss Cléo) — Je n'ai pas voulu déranger votre père, mais cet homme a été surpris par l'orage. Il est tout mouillé. L'homme d'affaire (furieux) — J'ai eu un accident de téléphone portable ! Impossible de réparer ! Un accident de téléphone portable en pleine nature, c'est terrible ! Terrible ! Cléo — Vous devriez vous changer, vous êtes trempé ... L'homme d'affaire — Ça, je sais ! Merci ! Ah ! Non, mais ! je ne suis pas un enfant, non ?! Cléo — Mademoiselle OV357 vous prêtera des vêtements secs et, si vous le souhaitez, nous prendrons le thé ... L'homme d'affaire — Et prendre un bain chaud ! Et pas de thé ! Je bois du café, moi ! Je suis un homme, moi ! Moi ! Bain et café ! Moi ! Cléo — C'est impossible, je le crains. La baignoire est occupée par mon père qui tente d'inventer une «machine à rendre les bains après qu'on les a pris". Quant au café ... L'homme d'affaire — « Rendre les bains après qu'on les ait pris » ? C'est idiot ! Invendable ! Mademoiselle OV357 (à l'homme d'affaire) — Si vous voulez bien me suivre. Je crois pouvoir trouver quelque chose à votre taille dans le grenier. Florent (à l'homme d'affaire) — Vous pouvez laisser votre valise ici ... L'homme d'affaire (soudain anxieux) — Non.
L'homme d'affaire sort précipitamment du laboratoire, suivi par Mademoiselle OV357.
Cléo (à part elle) — Étrange, cet homme d'affaire ... Florent — Cléo, et si je trouvais une idée - une grande idée d'invention -, peut-être que ton père y serait sensible et m'engagerait comme assistant ? Cléo — Il te faudrait, je le crains, avoir une idée absolument extraordinaire. Penser à quelque chose que mon père n'aurait jamais pu imaginer. Florent — Une idée absolument extraordinaire ... Cléo — De quoi changer la face du Monde. Florent — « Changer la face du Monde » ... Cléo (très intéressée) — « Changer » ... « Changer » ... Florent — Cléo ... ? Cléo — Oui ... ? Florent — Pourquoi cherches-tu toujours à tout changer ... ? Les objets, les gens ... Cléo — Je ne sais pas . Je suis comme ça depuis que maman a quitté mon père. Florent — Pourquoi ta mère est-elle partie ? Cléo — Parce que mon père n'était pas ce qu'elle voulait qu'il soit ...
Soudain une voix effrayée surgit des coulisses : la voix de l'homme d'affaire.
La voix de l'homme d'affaire — Ah ! Non, mais !
Entrée amusée de Mademoiselle OV357.
Mademoiselle OV357 — Je ne suis pas mécontente de moi ..
Entrée tragique de l'homme d'affaire. Il ne porte plus son costume noir, mais un bleu de travail qu'il essaye, vainement, de dissimuler derrière sa valise.
L'homme d'affaire ( il monte sur la table) — C'est un cauchemar, n'est-ce pas ? ( il montre son costume aux deux adolescents) Regardez- ça !
Entrée distraite du Professeur Digneton. Il tient un petit canard en plastique jaune dans l'une de ses mains ; une serviette sèche est nouée autour de son crâne.
Le Professeur (montant sans raison sur la table, et ne prêtant aucune attention à l'homme d'affaire) — Rendre les bains après qu'on les a pris ... ! (il descend de la table et sort tel qu'il est entré) Rendre les bains après qu'on les a pris ... ! L'homme d'affaire (au bord des larmes) — Et me rendre mes vêtements, à moi ? ! à moi ! J'ai l'air de quoi, ainsi ? Je vous le demande un peu ! Cléo — Vous avez l'air énormément perdu ... Florent — Énormément perdu ... L'homme d'affaire (il éclate alors en sanglots, serrant très fort sa valise contre son buste) — Je ne suis pas perdu ! Non ! Non ! C'est impossible : je vends des boussoles ! Il y a plein de boussoles dans ma valise, je ne peux pas être perdu ! Mais je voulais vendre des cœurs, moi ! Vendre des cœurs à ceux qui n'en n'ont plus ! Vendre des cœurs neufs à ceux dont le cœur est usé ! Vendre des aiguilles aussi, et du fil-à-cœur pour ceux dont le cœur est déchiré ! Vendre de la colle-à cœur pour ceux dont le cœur est brisé ! Mais mon papa fabrique des boussoles, alors je dois aller vendre ses boussoles, moi, pour lui faire plaisir ! Mais, moi, je ne veux pas ! Et vendre des boussoles que je n'aime pas vendre, cela me déboussole. Florent — Peut-être, simplement, devriez-vous arrêter de faire un métier qui ne vous plaît pas, Monsieur. L'homme d'affaire — Oui ! Et vendre des cœurs ! Et les donner, même ! Pas d'argent ! (sortant du laboratoire avec sa valise) Je me suis perdu à vendre des boussoles ! (il jette violemment la valise par terre et disparaît dans les coulisses) Je vais parler à mon père ! Cléo (exaltée) — Et toi, Florent, tu vas parler au mien ! (après un silence solennel) Vous allez fabriquer une machine à changer les gens en ce qu'ils voudraient être !
Rideau |
À vous d'écrire la suite ..... |