Le rideau : L'échange

 

Pistes de travail proposées par Eddie Saintot

 

Liens :Théâtrales, Lexique, sémantique et encyclopédies (Académie de Lyon), Le vocabulaire du théâtre et merci à Franceline Binet et M. Tardioli responsables du site Le théâtre (essai de lexique dans une classe de seconde - Académie de Nancy - Metz)

 

LECHY ELBERNON.

— Moi je connais le monde. J'ai été partout. Je suis actrice, vous savez. Je joue sur le théâtre.
Le théâtre. Vous ne savez pas ce que c'est ?

Elle insiste sur la séparation nécessaire entre les acteurs et les spectateurs : à la fin ces deux mondes, réels et imaginaires doivent se rejoindre.

Le rideau permet de changer les décors entre les actes, il préserve la magie du théâtre, l’intimité de deux espaces contradictoires.

Paradoxe du comédien : croire à son rôle mais sans l’intérioriser totalement, un acteur « fait semblant » avec art parce que son émotion doit « franchir la rampe ».

Le noir : 1) permet des effets d’éclairage, de contraste, de mise en valeur des acteurs.

2) masque les imperfections des décors, de la salle.

3) les acteurs ne doivent pas distinguer nettement les visages, cela les déconcentrerait.

4) il crée une ambiance propice au rêve, détachée du quotidien.

5) les spectateurs oublient leurs voisins, leurs soucis et se concentrent sur la scène.

6) comme le rideau, la lumière sépare deux mondes

Le divertissement lutte contre l’ennui (sortir du droit chemin). Le théâtre à une fonction didactique aussi bien que ludique.

Fonction émotive, impressive : c’est la fameuse « catharsis » des Grecs.

Le théâtre concerne toutes les catégories socioculturelles, tous les spectateurs quelque soit leur état d’esprit en entrant dans la salle.

Spectacle audio-visuel complet, les idées passaient par le théâtre. Mieux qu’un long discours.

Métaphore : la vérité nue, sa recherche est difficile (l’oignon fait pleurer), elle est rarement unique et peut présenter plusieurs aspects ou points de vue.

Le théâtre apporte la connaissance parce qu’il montre, il donne à voir et à entendre de manière efficace.

Mélange d’exhibitionnisme et de voyeurisme.

L’actrice ne s’appartient pas, elle incarne des personnages qu’elle partage avec le public.

Cf : beaucoup d’acteurs sont appelés dans la rue par le nom du personnage qu’ils incarnent à l’écran.

Comparaison : c’est une sorte de « charme » qui envoûte le spectateur au point d’envahir provisoirement sa personnalité qui est plus ouverte, plus disponible que dans la vie quotidienne.

Plaisir cf Molière

MARTHE.
LECHY ELBERNON.

— Non.
— Il y a la scène et la salle.
Tout étant clos, les gens viennent là le soir, et ils sont assis par rangées les uns derrière les autres, regardant.

MARTHE.
LECHY ELBERNON.

— Quoi ? Qu'est-ce qu'ils regardent, puisque tout est fermé ?
— Ils regardent le rideau de la scène,
Et ce qu'il y a derrière quand il est levé.
Et il arrive quelque chose sur la scène comme si c'était vrai.

MARTHE.
LECHY ELBERNON.
THOMAS .
LECHY ELBERNON.

— Mais puisque ce n'est pas vrai ! C'est comme les rêves que l'on fait quand on dort.
— C'est ainsi qu'ils viennent au théâtre la nuit.
— Elle a raison. Et quand ce serait vrai encore, qu'est-ce que cela me fait ?
— Je les regarde, et la salle n'est rien que de la chair vivante et habillée.
Et ils garnissent les murs comme des mouches, jusqu'au plafond.
Et je vois des centaines de visages blancs.
L'homme s'ennuie, et l'ignorance lui est attachée depuis sa naissance.
Et ne sachant de rien comment cela commence ou finit, c'est pour cela qu'il va au théâtre.
Et il se regarde lui-même, les mains posées sur les genoux.
Et il pleure et il rit, et il n'a point envie de s'en aller.
Et je les regarde aussi, et je sais qu'il y a là le caissier qui sait que demain
On vérifiera ses livres, et la mère adultère dont l'enfant vient de tomber malade,
Et celui qui vient de voler pour la première fois, et celui qui n'a rien fait de tout le jour.
Et ils regardent et écoutent comme s'ils dormaient.

MARTHE.

— L'œil est fait pour voir et l'oreille
pour entendre la vérité.

LECHY ELBERNON.

— Qu’est-ce que la vérité ? Est-ce qu’elle n’a pas dix-sept enveloppes comme les  oignons ?
Qui voit les choses comme elles sont ? L’œil certes voit, l’oreille entend.
Mais l’esprit tout seul connaît. Et c’est pourquoi l’homme veut voir des yeux et connaître des oreilles
Ce qu’il porte dans son esprit,  — l’en ayant fait sortir.
Et c’est ainsi que je me montre sur la scène.

MARTHE.
LECHY ELBERNON.

— Est-ce que vous n’êtes point honteuse ?
— Je n’ai point honte ! mais je me montre, et je suis toute à tous.
Ils m’écoutent et ils pensent ce que je dis ; ils me regardent et j’entre dans leur âme comme dans une maison vide.
C’est moi qui joue les femmes :
La jeune fille et l’épouse vertueuse qui a une veine bleue sur la tempe, et la courtisane trompée.
Et quand je crie, j’entends toute la salle gémir.

MARTHE.

— Comme ses yeux brillent !

 

Paul CLAUDEL, L’échange,  première version. Pléiade, t.1, p.676sq.

Le titre renvoie en définitive à la qualité principale du spectacle théâtral.

Note : on fera d’utiles comparaisons avec le cinéma, notamment pour la disposition des lieux, la communion entre le public et l’écran et la structure de l’intrigue.

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