Les
textes littéraires sont souvent organisés autour d’un réseau lexical,
comprenant un ou plusieurs champs lexicaux. Ces derniers peuvent être soit
dénotés, c’est à dire simplement désignés par des séries de mots ou d’expressions
appartenant au même domaine, soit connotés par un système de métaphores ou de
comparaisons se faisant écho (les métaphores sont alors dites
« filées »).
Cette organisation en réseau
permet de suggérer beaucoup plus que ce qui est écrit, d’ajouter du sens, de la
poésie, de l’émotion ...
Métaphores et comparaisons
Contribution
d'Eddie
Saintot
« Escadron blanc, déjà largué
comme un vaisseau, aucune voix ne
parvenait plus à la terre. » (p. 41) « Le lieutenant Kermeur
entendit la prière et comprit la gravité de l'adieu : la dernière amarre était rompue. » (p. 48) « La
colonne n'était plus qu'un bateau perdu,
tanguant dans le soleil, livré à ses
forces et à son destin. » (p. 48) « Les deux caravanes avaient-elles plus de chances de se rencontrer que deux navires en mer
? Kermeur venait à en douter, mais il n'osait pas demander à Marçay quel rumb
ils allaient suivre sur l'océan sans route.
» (p. 63)
« Vers l'ouest, le reg
encore s'étendait, couleur de soleil mort. Mais il fonçait de minute en minute, comme une mer qu'un grain noircit. » (p. 89) «
Kermeur vit les guides entrer dans le lac qui noyait
l'horizon et il crut à une hallucination du délire. [... ] Les
guides et leurs montures se réfléchissaient en effet sur les eaux du mirage. »
(p. 94) « Le supplice de la soif commença.
Le lieutenant Marçay maîtrisa sa soif jusqu'au bout, pour essayer de
contenir le désordre, comme un officier de pont
à l'heure du naufrage où l'on met les embarcations à la mer. » (p.
224 et 230)
Extraits de Joseph
Peyré, L’escadron blanc, 1931
|
Complétez
le tableau
Comparés
|
Comparants
|
Outil de comparaison
|
Points communs
|
La caravane de dromadaires
|
La blancheur des uniformes et la couleur des voiles
|
métaphore
|
La couleur
|
La caravane de dromadaires
|
Un vaisseau
|
comme
|
La couleur, la situation géographique isolée
|
La prière est le dernier lien avec la civilisation
|
Une amarre de bateau
|
métaphore
|
L’idée de lien avec le port (ici, l’oasis)
|
…………………
|
……………………..
|
Plus que
|
……………….
|
L’allure particulière des dromadaires
|
Le mouvement d’avant en arrière (tangage)
|
métaphore
|
Le mouvement
|
La rencontre avec la caravane de secours
|
………………………….
|
……………………..
|
Situation géographique, absence de repère
|
Le désert
|
L’océan
|
|
……………………..
|
|
|
|
|
|
|
|
|
………………….
|
Un lac
|
|
Étendue, reflets, apparence
|
|
|
comme
|
|
Utilisez le bleu et le rouge pour identifier comparaisons et
métaphores
Description de la grande parade du blanc dans
un grand magasin
«
Les comptoirs
disparaissaient sous le blanc des soies et des rubans, des gants et des fichus.
Autour des colonnettes de fer, s'élevaient des bouillonnés de mousseline
blanche, noués de place en place par des foulards blancs. Les escaliers étaient
garnis de draperies blanches, des draperies de piqué et de basin alternées, qui
filaient le long des rampes, entouraient les halls, jusqu'au second étage ; et
cette montée du blanc prenait des ailes, se pressait et se perdait, comme une
envolée de cygnes. Puis, le blanc retombait des voûtes, une tombée de duvet,
une nappe neigeuse en larges flocons : des couvertures blanches, des
couvre-pieds blancs, battaient l'air, accrochés, pareils à des bannières
d'église ; de longs jets de guipure traversaient, semblaient suspendre des
essaims de papillons blancs, au bourdonnement immobile ; des dentelles
frissonnaient de toutes parts, flottaient comme des fils de la Vierge par un
ciel d'été, emplissaient l'air de leur haleine blanche. Et la merveille,
l'autel de cette religion du blanc, était au-dessus du comptoir des soieries,
dans le grand hall, une tente faite de rideaux blancs, qui descendaient du
vitrage. Les mousselines, les gazes, les guipures d'art, coulaient à flots
légers, pendant que des tulles brodés, très riches, et des pièces de soie
orientale, lamées d'argent, servaient de fond à cette décoration géante, qui
tenait du tabernacle et de l'alcôve. On aurait dit un grand lit blanc, dont
l'énormité virginale attendait, comme dans les légendes, la princesse blanche,
celle qui devait venir un jour, toute-puissante, avec le voile blanc des
épousées. »
Émile
Zola, Au Bonheur des dames, 1883 |
Le réseau lexical du blanc ne
se contente pas de l’évocation de la couleur des tissus : il utilise
également des connotations religieuses. Notez comment celles-ci sont amenées
progressivement par le champ lexical du vol des oiseaux ou des insectes.
Le
personnage attend une jeune femme par une froide nuit d’hiver
dans un chalet isolé.
« Je
l’attendais le soir dans le pavillon de chasse, près de la Rivière Morte. Les
sapins dans le vent hasardeux de la nuit secouaient des froissements de suaire
et des craquements d’incendie. La nuit noire était doublée de gel, comme le
satin blanc sous un habit de soirée, au dehors, des mains frisées couraient de
toutes parts sur la neige. Les murs étaient de grands rideaux sombres, et sur
les steppes de neige des nappes blanches, à perte de vue, comme des feux se
décollent des étangs gelés, se levait la lumière mystique des bougies. J’étais
le roi d’un peuple de forêts bleues, comme un pèlerinage avec ses bannières se
range immobile sur le bord d’un lac de glace. Au plafond de la caverne bougeait
par instants, immobile comme la moire d’une étoffe, le cyclone des pensées
noires. En habit de soirée, accoudé à la cheminée et maniant un revolver dans
un geste de théâtre, j’interrogeais par désœuvrement l’eau verte et dormante de
ces glaces très anciennes ; une rafale plus forte parfois l’embuait d’une
sueur fine comme celle des carafes, mais j’émergeais de nouveau, spectral et
fixe, comme le marié sur la plaque du photographe qui se dégage des remous des
plantes vertes. Ah ! les heures creuses de la nuit, pareilles à un qui
voyage sur les os légers et pneumatiques d’un rapide – mais soudain elle était
là, assise toute droite dans ses longues étoffes blanches. »
Julien Gracq, Liberté
grande, 1947,
José Corti. |
Complétez
le réseau des connotations provoquées par l’imbrication des champs lexicaux du
blanc, du noir, du mouvement, du froid, du dehors, du dedans, de la mort .
Vous pourriez utiliser également un organigramme.
Le froid, la nuit extérieure
|
La mort, la religion
|
La neige, le vent
|
|
â
|
|
|
|
|
|
|
|
L’immobilité, la durée
®
|
Arrivée de la jeune femme
|
¬
Les émotions
|
|
|
|
|
|
|
ä
|
á
|
ã
|
Le reflet
|
Interpénétration extérieur,
intérieur
|
Les effets de flou artistique
|
|