S'entraîner à l'examen de B.E.P : Le texte descriptif
Lyon 1998 - CAP - BEP INDUSTRIEL

 


Le Grand-Paradis: un parc national dans le Val d' Aoste

Le guide, de langue maternelle française, nous avait répété plusieurs fois depuis notre départ d'Aoste, avant l'aube : "Quand vous apercevrez votre premier bouquetin, songez que, du haut de ses grandes cornes, 13 millions d'années vous contempleront!"

Et c'est vrai qu'elle est impressionnante cette bête à la fois massive et courtaude, à l'épais pelage brun-gris, qui apparait soudain quelques instants à plusieurs dizaines de mètres du sentier, dans la partie la plus reculée du parc national de Grand-Paradis. C'est un mâle, qui, avant de disparaître par une entaille de la montagne conduisant vers un sommet inaccessible au pas humain, tourne vers nous son épais museau préhistorique ; babines baveuses, petits yeux, courtes oreilles sont surmontés de deux attributs recourbés dignes d'une licorne, longs sans doute de plus de 1 mètre. Le guide conclut doctement(1) : " Le bouquetin es tplus vieux que l'homme ". Pause et méditation obligatoires.

Parvenus à 2 500 mètres d'altitude, il faut redescendre. Défense de passer outre ! Paix aux bêtes !

Sur le chemin du retour, pour se consoler, on croisera force marmottes, quantité d'oiseaux minuscules type rouge-gorge, un couple d'hermines, mais point la bande de chamois promise.

 

Surveillance harcelante

La genèse du parc national de Grand-Paradis, le plus ancien d'Italie (1922), commence avec la furie chasseresse du roi Victor-Emmanuel 11, qui avait loué à ses sujets montagnards du Val-d'Aoste une partie de leurs hautes terres. Vers 1860, au nom tant de la science que de la passion royale, la traque au bouquetin fut interdite, sauf à Sa Majesté italienne. Les successeurs de VictorEmmanuel II, moins portés sur la gâchette, cédèrent leur réserve cynégétique (2) et, au moment de sa transformation en parc, les bouquetins dépassaient le millier de têtes pour la première fois depuis un siècle.

Dès lors, ils ont encore prospéré sur les 560 kM2 du Grand-Paradis où soixante gardes armés patrouillent en permanence sur les pistes muletières, car les émules (3) modernes du roi-chasseur sont légion, non tant peut-être pour tirer un bouquetin ou un chamois qu'un lièvre des Alpes, une perdrix des neiges ou un renard ordinaire.

Les gardes, à la longue, ont acquis une connaissance du milieu naturel enviée par certains scientifiques, trop rivés à leurs ordinateurs pour avoir pu constater par eux-mêmes que les cervidés aveugles se voient affecter par le chef de harde un ou deux de leurs jeunes congénères pour les conduire ; que la bartavelle surprise avec sa nichée mime la fuite treinante de l'oiseau blessé afin de donner le temps aux oisillons de se cacher sous la ramure, etc.

La faune et la flore se déploient dans un panorama alpin intact, entre 1 500 et 4 000 mètres d'altitude, où cascades et lacs ont pour cadre les restes d'une gigantesque glaciation de l'ère quaternaire. Les seuls à se plaindre sont les montagnards, éleveurs ou agriculteurs, vivant dans les limites du parc: " Le Grand Paradis est pour nous le Grand-Enfer ". Ils gémissent à propos de la surveillance " harcelante " que ce soit en cas de la moindre réparation d'un muret ou pour fixer la date de la récolte du foin.

Seulement 8 % de la superficie du parc appartiennent à l'administration, le reste est privé, mais grevé (4) de diverses servitudes. Ainsi bouquetins et chevreuils ont le pas sur les vaches pour brouter les pâturages et les propriétaires n'ont le droit de cueillir leurs baies qu'après le festin des animaux...

Devant la menace, brandie au nom de l'écoesthétisme (5), de devoir retirer du paysage jusqu'à leurs antennes de télévision ou leurs paravalanches, certains résidents, excédés, ont déguerpi.

Aussi, tandis que la population des bouquetins triplait, le nombre des habitants de la région de Grand-Paradis est passé en cent ans de trois mille cinq cents à moins de deux mille âmes. Au royaume des bêtes, les hommes ont fait la loi, mais ne sont plus chez eux.

 

 

Extrait d'un article de Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, (Le Monde, 16 octobre 1997).

 

  • (1) Doctement: De manière savante.

    (2) Cynégétique : qui se rapporte à la chasse.

    (3) Emules : personnes qui cherchent à égaler ou surpasser quelqu'un.

    1. Grevé: Accablé, chargé.
    2. Ecoesthétisme : défense de la beauté de l'habitat.


     

    QUESTIONS

     

    I - Compétences de lecture /10 points

    1. Sur quoi porte l'essentiel des passages descriptifs dans le texte et pourquoi ? /3

  • 2. Le journaliste emploie l'expression " surveillance harcelante ". /3
    Comment et par qui s'exerce cette surveillance ? Qui vise-t-elle ?

    3. Quels sont les faits à l'origine du parc ? Un des aspects de cette origine /3

  • peut surprendre. Lequel ?

    4. Quelle est la phrase du texte qui résume la situation exposée par le journaliste ? /1

     

     

    II - Compétences d'écriture /10 points

    La pratique de la chasse suscite bien des controverses. Quelle est votre opinion ?

    Quelle que soit cette opinion exposez-la dans un texte argumenté d'une trentaine de lignes.

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