STRASBOURG 1998 - BEP
Que j'aime voir, chère indolente,
De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
Miroiter la peau !
Sur ta chevelure profonde
Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,
Comme un navire qui s'éveille
Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain.
Tes yeux, où rien ne se révèle
De doux ni d'amer,
Sont deux bijoux froids où se mêle
L'or avec le fer.
À te voir marcher en cadence,
Belle d'abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d'un bâton.
Sous le fardeau de ta paresse
Ta tête d'enfant
Se balance avec la mollesse
D'un jeune éléphant
Et ton corps se penche et s'allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues* dans l'eau.
Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l'eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,
Je crois boire un vin de Bohème,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D'étoiles mon coeur!
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, XXVIII. juin 1857.
* Vergue : pièce de bois soutenant une voile.
Les réponses doivent être rédigées.
1 - Compétences de lecture / 10 points
1. En quoi ce texte est-il un poème ? /3
Donnez trois éléments de réponse en les justifiant.
2. Dans la quatrième strophe, quelle est la figure de style utilisée et quels sont les sentiments contradictoires exprimés par le poète ? /3
3. Ce poème évoque la femme aimée. Relevez quatre aspects physiques et quatre attitudes de cette femme présentés par Baudelaire. /4
II - Compétences d'écriture / 10 points
Comme l'amour, une relation d'amitié peut apporter des joies et des peines.
Dans un développement argumenté et illustré d'exemples, vous montrerez les deux aspects de cette relation.
L'orthographe et la syntaxe compteront pour 3 points.
La spécificité du genre poétique
Il est écrit, non pour être lu, comme la nouvelle ou le roman, mais pour être dit et entendu. Il est donc caractérisé par un jeu de rhytmes et de sonorités qui sollicitent l'oreille.
Il est conçu pour émouvoir et s'adresse volontiers à l'imaginaire. Il recourt donc à l'image (comparaisons, métaphores... ) pour donner à voir ce qu'il exprime.
Comparaisons et métaphores
La comparaison établit une analogie (un rapprochement) entre un "comparé" : "Et ton corps se penche... ", et un "comparant" : "Comme un fin vaisseau..." , à l'aide d'un terme de comparaison ("comme", mais aussi "tel", "semble", "on dirait", voire ": ").
La métaphore ne comporte jamais de mot de liaison et, le plus souvent, désigne directement le comparé à l'aide du seul comparant. L'expression "mon âme rêveuse appareille" n'est pas complétée par un second élément tel que "comme un vaisseau", car l'emploi du terme de navire "appareille", qui signifie "lève l'ancre", "quitte le port" suffit à établir une identification au navire.
Le symbole est une métaphore reconnue: la couronne (de la royauté), l'attaché-case (du cadre), le croissant (de l' Islam)...
Quant à la métonymie, étrangère à toute analogie, elle désigne un objet par sa particularité la plus déterminante : un "chalutier" traîne un filet (chalut), un "trimaran" possède trois coques, un "pétrolier", un "transatlantique", un "hors-bord "...