Groupement Interacadémique IV - CAP INDUSTRIEL - Juin 2003 - Français

 

Antoun,  un berger libanais, a entendu I'appel lointain d'un voisin qui a perdu sa chèvre. Cette voix le tourmente toute la journée. Le soir, il revient chez lui.

 

Sitôt qu'il ouvrit la porte de sa maison, Antoun dit à sa femme :

« Chafika, il y a le voisin de la montagne qui a perdu une chèvre. Tu ne l'as pas vue dans les parages ?

Non. Mais viens, la soupe t'attend. »

Ah ! Que cette femme parlait peu.

Des nids de silence, les filles de ce pays. A longueur de journée, elles plongent leurs bras dans l'eau de linge et de vaisselle ; ou bien, elles font reluire l'envers des casseroles de cuivre et le carrelage des chambres dénuées1.

« Il ne doit pas pouvoir manger ce soir !

- Qui ?

Mais le voisin ! Celui qui a perdu sa chèvre ...

Dépêche-toi, ta soupe sera encore froide. [ ... ]

Je t'ai préparé ce que tu aimes, des feuilles de vigne farcies. Ce sont les premières.

Il est bien question de feuilles de vigne ! »

Comment pouvait-il être question de feuilles de vigne alors que — là-haut — un homme, un voisin, un frère se rongeait le cœur ?

Antoun l'imaginait : il allait et venait dans les bois, il battait les fourrés, le pas nerveux, le front fermé. Il appelait, appelait :

« Ma chèvre ! Où es-tu ma chèvre ? » C'est terrible un homme qui appelle ! Ça ne vous laisse plus de repos.

« Il ne dormira pas cette nuit.

- Qui ça ?»

La femme revenait portant sa casserole brûlante enveloppée dans un torchon.

« Mais le voisin !

- Le voisin ! Le voisin ! (-Chafika haussa le ton). C'est ridicule, tu ne l'as jamais vu ! Tu ne connais même pas son visage.

J'ai entendu sa voix ... », dit Antoun.

Chafika soupira. C'était inutile de répondre. Quand les hommes s'attellent à une idée, ils se laissent entraîner, tout bêtement, comme des carrioles. « Mais finis donc ta soupe. » [... ]

Antoun repoussa la table, se leva :

« Écoute ! » L'assiette pleine de soupe se déversa sur la nappe :

« Je n'y tiens plus ... Donne-moi la lanterne, je pars chercher la chèvre !

- Tu es fou ! À ton âge et dans ce froid, tu attraperas la mort.

- Elle est peut-être tout près. Je connais le chemin qui mène chez le voisin. Je connais aussi le sentier des chèvres. »

Antoun s'en irait, elle ne pourrait le retenir. Il était comme cela, aboutissant à son idée par coups de tête successifs ; et celle-ci une fois atteinte, personne ne pourrait l’en déloger.

« Je trouverai sa chèvre, je la trouverai. » Chafika lui donna sa lanterne et il partit.

 

Andrée CHEDID - La Chèvre du Liban

 

1 Dénuées : sans mobilier

 

QUESTIONS

 

Toutes les réponses doivent être rédigées.

 

I - COMPÉTENCES DE LECTURE  (10 points)

 

1) Résumez cette histoire en deux ou trois phrases. (3 points )

2) Face au problème rencontré par leur voisin, comment réagissent les deux personnages, Antoun et Chafika ? Relevez pour chacun d'eux une phrase ou une expression pour justifier votre réponse. (4 points)

3) Expliquez la phrase suivante (en gras dans le texte) : « Quand les hommes s’attellent à une idée, ils se laissent entraîner, tout bêtement, comme des carrioles.» (3 points)

 

 

II - COMPÉTENCES D'ÉCRITURE  (10 points)

 

À partir d'exemples précis, vous direz si vous pensez que nous vivons dans un monde suffisamment solidaire. Quelles propositions pouvez-vous faire pour que les hommes s'entraident davantage ? Vous rédigerez un texte argumenté d'une vingtaine de lignes.

Il sera tenu compte de la qualité de l'expression (syntaxe, lexique, orthographe...)

 

CORRIGÉ

 

I. COMPÉTENCES DE LECTURE

 

1) Antoun a entendu un voisin appeler sa chèvre dans la montagne, toute la journée. Le soir, Antoun rentre chez lui, mais n'y tenant plus, il décide d'aller chercher la chèvre du voisin.

Respect de la consigne : pas plus de trois phrases. On enlèvera 0,5 point s'il n'y a qu'une seule phrase. Valoriser la clarté de la réponse.

 

2) Antoun semble très inquiet pour son voisin ou Antoun se met à la place de son voisin.

- "Il ne doit pas pouvoir manger ce soir"

- "Comment pouvait-il..... appelait"

- "C'est terrible un homme.... repos"

- "II ne dormira pas cette nuit ».

- « J’ai entendu sa voix"

- "Je n'y tiens plus"

- "Je trouverai sa chèvre, je la trouverai"

 

Chafika, elle, ne semble pas se soucier du voisin et elle trouve la réaction d'Antoun exagérée.

- "Qui ? "

- "Qui ça ? "

- "Le voisin ! Le voisin ! C'est ridicule.... visage".

- "Tu es fou ! .... la mort".

 

Réponse concernant Antoun : 2 points (1 point pour l’explication /1 point pour la citation)

Réponse concernant Chafika : 2 points (1 point pour l'explication /1 point pour la citation)

Valoriser toute réponse ou tout relevé pertinents.

 

3) Lorsque les hommes ont une idée en tête, il est très difficile de les faire changer d'avis. La comparaison qui suit doit aussi  être expliquée (le rapport "s'attellent" et "carrioles").

 

Enlever 0, 5 point s'il n'est pas fait référence à la comparaison. Les candidats doivent avoir compris I'idée d'obstination (à ne pas confondre avec agir sans réfléchir - dans ce cas, enlever 1 point).

 

Dans cette partie, ou seule les compétences de lecture sont évaluées, ne pas pénaliser les maladresses d'expression (syntaxe, lexique, expression) mais retirer  0, 5 point par réponse non rédigée.

 

II. COMPÉTENCES D'ÉCRITURE (10 points)

 

2 paragraphes : 1 point

Respect du plan (monde solidaire ou pas / propositions pour une meilleure entraide) : 1 point

Arguments et exemples : 4 points (2 points par paragraphes)

Expression écrite : 3 points

Respect du nombre de lignes : 1 point (dans le cas d'une production très insuffisante, on pourra enlever jusqu'à 3 points).

 

Retour