Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands occupent Budapest, capitale de la Hongrie. Ils veulent défendre la ville assiégée par les troupes russes.

 

 

La proximité du train de munitions nous remplissait d'effroi. Les condamnés à mort doivent connaître des sentiments analogues en entendant des pas qui se dirigent vers leurs cellules et en pensant qu'on vient les chercher.

« Il suffit d'une balle égarée pour que tout vole en l'air », avait dit Pista, et les projectiles ne se promenaient pas en solitaires, mais à cinq, à dix...

Ce matin, les Allemands ont déposé trois caisses de munitions dans le restaurant et ont amené des chevaux dans la cage de l'escalier. Nous les guettons à l'entrée de la cave, où, faute de mieux, nous employons la neige sale de la cour pour nos ablutions. Que deviendrons-nous sans Pista ? Nous savoir à côté d'une poudrière nous rend fous ! Mais la présence du soldat nous rassure : rien ne le lie à notre sort, après tout, nous disons-nous, il pourrait aller ailleurs s’il se sentait menacé.

Mais ce n'est pas le cas : Pista reste pour que notre moral tienne. Il a commencé par faire le tour des locataires et a demandé à chacun ce qu’il désirait de son appartement. On l'a surchargé de demandes. L'espoir est né en moi de pouvoir terminer la lecture de mon livre. Au cours du plus violent bombardement, Pista a parcouru chaque étage et nous a rendu compte de l'état des lieux. Il m'a rapporté aussi mon Balzac. Le souffle des explosions, a-t-il raconté, a détruit toutes les portes de notre appar­tement et de celui du procureur. Une bombe non éclatée a démoli notre piano à queue en le traversant de part en part et s'est incrustée dans le par­quet. Ce récit a été, je crois, la seule joie de tout mon séjour à la cave. Savoir que ce piano qui m'avait valu tant d'heures de travaux forcés n'existe plus, me remplissait de satisfaction mais je ne fis pas voir mon plaisir, car ma mère pleurait.

Cet instrument de musique était pour elle un véritable ami. Elle chan­tait admirablement en s'accompagnant elle-même. Elle égrenait de douces petites chansons françaises dont je ne comprenais pas le texte, mais qui éveillaient en moi un trouble nostalgique. Je pensais, avec une tendresse mêlée de désir, à l'inconnu auquel je pourrais un jour confier toutes mes peines et qui me prendrait dans ses bras pour me protéger.

La destruction du piano terminait un chapitre de ma vie d'adoles­cente. C'est peut-être à ce moment-là que je me rendis compte que mon enfance avait pris fin brusquement. Une âpre fierté m'envahit à l'idée qu'à quinze ans j'allais mourir d'une mort de grande personne. Je repris avidement la lecture de mon livre.

CHRISTINE ARNOTHY,  j'ai quinze ans et je ne veux pas mourir.

 

 

Compréhension du texte

 

1. a) À quel genre littéraire appartient le texte ? (1 point)

  b) L'émetteur est présent dans le texte. Relevez deux indices qui le prouvent. (1 point)

  c) Quel effet cette présence produit-elle sur le lecteur ? (2 points)

2. a) À quelle époque et dans quel pays se déroulent les événements évoqués dans le texte ? (1 point)

  b) La narratrice a une occupation qui la protège de l'environnement hostile. Dites laquelle. (1,5 point)

  c) Citez les trois phrases du texte qui justifient votre réponse. (1,5 point)

3. En vous appuyant sur les phrases du dernier paragraphe, dites quels changements les événements ont introduits dans la vie de la jeune fille. Vous rédigerez votre réponse. (2 points)

 

Compétences d'écriture (10 points)

 

Vous avez été enthousiasmé(e) par un livre ou un film. Vous souhai­tez faire partager votre plaisir à vos camarades et les convaincre de lire ce livre ou de voir ce film. Vous rédigez un article qui paraîtra dans le journal du lycée.

Vous donnerez obligatoirement un titre à cet article. Votre texte comptera 20 lignes au minimum.