Texte

 

En 1851, la Seconde République est renversée par Louis Napoléon Bonaparte. Dans le roman La Fortune des Rougon, Émile Zola évoque la mobilisation et l'insurrection des partisans de la république contre ce coup d'état.

 

La bande descendait avec un élan superbe, irrésistible. Rien de plus terriblement grandiose que l'irruption de ces quelques milliers d'hommes dans la paix morte et glacée de l'horizon. La route, devenue torrent, roulait des flots vivants qui semblaient ne pas devoir s'épuiser; toujours, au coude du chemin, se montraient de nouvelles masses noires, dont les chants enflaient de plus en plus la grande voix de cette tempête humaine. Quand les derniers bataillons apparurent, il y eut un éclat assourdissant. La Marseillaise emplit le ciel, comme soufflée par des bouches géantes dans de monstrueuses trompettes qui la jetaient, vibrante, avec des sécheresses de cuivre, à tous les coins de la vallée. Et la campagne endormie s'éveilla en sursaut ; elle frissonna tout entière, ainsi qu'un tambour que frappent les baguettes ; elle retentit jusqu'aux entrailles, répétant par tous ses échos les notes ardentes du chant national. Alors ce ne fut plus seulement la bande qui chanta ; des bouts de l'horizon, des rochers lointains, des pièces de terre labourées, des prairies, des bouquets d'arbres, des moindres broussailles, semblèrent sortir des voix humaines ; le large amphithéâtre qui monte de la rivière à Plassans, la cascade gigantesque sur laquelle coulaient les bleuâtres clartés de la lune, étaient comme couverts par un peuple invisible et innombrable acclamant les insurgés ; et, au fond des creux de la Viorne, le long des eaux rayées de mystérieux reflets d'étain fondu, il n'y avait pas un trou de ténèbres où des hommes cachés ne parussent reprendre chaque refrain avec une colère plus haute. La campagne, dans l'ébranlement de l'air et du sol, criait vengeance et liberté. Tant que la petite armée descendit la côte, le rugissement populaire roula ainsi par ondes sonores traversées de brusques éclats, secouant jusqu'aux pierres du chemin.

 

Émile ZOLA, La Fortune des Rougon (1871)

 

Document 1

 

LA MARSEILLAISE

(premier couplet et refrain)

 

Allons enfants de la Patrie,

Le jour de gloire est arrivé.

Contre nous de la tyrannie

L'étendard sanglant est levé.

Entendez-vous dans les campagnes

Mugir ces féroces soldats ?

Ils viennent jusque dans vos bras

Égorger vos fils, vos compagnes.

 

Aux armes, citoyens !

Formez vos bataillons !

Marchons, marchons,

Qu'un sang impur

Abreuve nos sillons !

 

Paroles et Musique de ROUGET DE LISLE (1792)

 

Document 2

 

HYMNE [imn] n. XIVe ; ymne déb. XIIe ; lat. hymnus, gr. Humnos

1t N.m. Chant, poème à la gloire des dieux, des héros. Les hymnes orphiques. Hymnes homériques, attribués à Homère. 2 t N.m. ou f (Dans   la tradition chrétienne) Chant à la louange de Dieu. => cantique, psaume. Chanter un, une hymne. « Toutes les hymnes de cet admirable office » (Mauriac). 3 t N. m. Chant, poème lyrique exprimant la joie, l'enthousiasme, célébrant une personne, une chose. Hymne à la nature, à l'amour. « L’Hymne à la joie », de la    IXème   Symphonie  de   Beethoven. Un  hymne de reconnaissance. ¸SPÉCIALT Chant solennel en l'honneur de la patrie, de ses défenseurs. L'hymne national français est « la Marseillaise ».

 

Dictionnaire ROBERT

 

 

 

COMPÉTENCES DE LECTURE (8 points)

 

1 - En vous appuyant sur les relevés lexicaux de votre choix, vous direz comment "La Marseillaise" est évoquée dans le texte d'Émile Zola et vous commenterez la place qu'y occupe cette évocation. (3 points)

2 - Le dictionnaire Robert propose plusieurs définitions du mot "hymne".

Parmi ces différentes définitions, relevez trois termes ou expressions qui, selon vous, peuvent être associés au texte d'Émile Zola ainsi qu'au document 1. Justifiez votre choix.(5 points)

 

COMPÉTENCES D'ÉCRITURE (12 points)

 

Edito par Jean Belot

"Ils veulent changer ma chanson"

 

Faut-il changer les paroles de « La Marseillaise » ? Oui, et vite, demandent l'abbé Pierre, Danielle Mitterrand, Michel Platini, Bernard Stasi et quelques autres, estimant que l'hymne national attente aux droits de l'homme, à la fraternité sportive, au respect de nos voisins, bref à l'air du temps.

 

Certes, l'époque est lointaine (révolue ?) où de «féroces soldats » venaient « égorger nos fils, nos compagnes», aujourd'hui l'atome est beaucoup plus expéditif et la Communauté européenne est le plus sûr moyen d'en prévenir un mauvais usage. Mais il y aurait quelque ridicule à vouloir gommer, en prévision d'un aléatoire consensus européen, des couplets révolutionnaires qui sont le reflet d'un moment de notre Histoire. Et quelque grotesque à changer les paroles en gardant la musique.

 

Et puis, braillée à l'occasion d'un défilé, d'un meeting ou d'un match du Tournoi des cinq nations, par des Français qui généralement ont retenu l'air et oublié la chanson, « La Marseillaise » c'est notre ciment, notre carte d'identité. Elle est en 1992 un des rares signes de ralliement quand les symboles et les points de repères semblent s'effacer à tour de rôle.

Extrait de l'éditorial de Télérama N° 2200, 11 mars 1992.

 

Vous écrivez, en une quarantaine de lignes, au courrier des lecteurs de Télérama pour exposer votre point de vue personnel dans le débat ouvert par cette revue, à la suite de l'article de Jean Belot.

 

N.B. afin de respecter les règles de confidentialité, votre texte ne révélera ni votre identité, ni lieu où il est écrit.

 

 

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