Pour une médecine humaniste

 

Les documents ci-joints posent le problème d'une médecine humaniste, prenant en compte les problèmes de l'individu. Vous en ferez une synthèse objective, concise et ordonnée. Dans une brève conclusion, vous donnerez votre point de vue sur la question.

 

Documents joints

  • Document 1 : Jules Romains, Knock, 1923, extrait de la scène 3 de l'acte I, Gallimard, 1993.

  • Document 2 : Raoul Dautry, Métier d'homme, extrait de l’allocution aux médecins du Réseau de chemins de fer de l’état prononcée le 17 novembre 1929, Librairie Plon.

  • Document 3: Alain Minc, La Machine égalitaire, Grasset, 1987.

  • Document 4: Luc Jacob-Duvernet, «Médecin, patient : le premier pas ?», Que Choisir-Santé, n°32, juillet-août 1993.

  • Document 5 : Serre, Humour noir et hommes en blanc, Editions Jacques Glénat, 1975.

 

DOCUMENT 1

     KNOCK

 

Le Docteur Parpalaid, qui abandonne sa clientèle rurale pour s’installer à Lyon avec son épouse, accueille son successeur le docteur Knock.

 

KNOCK — Y a-t-il beaucoup de rhumatisants dans le pays ?

LE DOCTEUR — Dites, mon cher confrère, qu’il n’y a que des rhumatisants.

KNOCK — Voilà qui me semble d'un grand intérêt.

LE DOCTEUR — Oui, pour qui voudrait étudier le rhumatisme.

KNOCK, doucement. —  Je pensais à la clientèle

LE DOCTEUR — Ah ! pour ça, non. Les gens d'ici n'auraient pas plus l'idée d'aller chez le médecin pour un rhumatisme, que vous n'iriez chez le curé pour faire pleuvoir.

KNOCK — Mais... c'est fâcheux [...] S'il n’y a rien à faire du côté des rhumatismes, on doit se rattraper avec les pneumonies et pleurésies ?

LE DOCTEUR — Elles sont rares. Le climat est rude, vous le savez. Tous les nouveau-nés chétifs meurent dans les six premiers mois, sans que le médecin ait à intervenir, bien entendu. Ceux qui survivent sont des gaillards durs à cuire. Toutefois, nous avons des apoplectiques et des cardiaques. Ils ne s'en doutent pas une seconde et meurent foudroyés vers la cinquantaine.

KNOCK — Ce n'est pas en soignant les morts subites que vous avez pu faire fortune ?

LE DOCTEUR — Évidemment. (Il cherche). Il nous reste... d'abord la grippe. Pas la grippe banale, qui ne les inquiète en aucune façon, et qu’ils accueillent même avec faveur parce qu'ils prétendent qu'elle fait sortir les humeurs viciées. Non, je pense aux grandes épidémies mondiales de grippe.

KNOCK — Mais ça, dites donc, c'est comme le vin de la comète. S'il faut que j'attende la prochaine épidémie mondiale !...

LE DOCTEUR — Moi qui vous parle, j'en ai vu deux : celle de 89-90 et celle de 1918.

MADAME PARPALAID — En 1918, nous avons eu ici une très grosse mortalité, plus, relativement, que dans les grandes villes. (À son mari) N'est-ce pas ? Tu avais comparé les chiffres.

LE DOCTEUR — Avec notre pourcentage nous laissions derrière nous quatre-vingt-trois départements.

KNOCK — Ils s'étaient fait soigner ?

LE DOCTEUR — Oui, surtout vers la fin.

 

Jules Romains, Knock (acte 1), Gallimard, 1993.

 

DOCUMENT 2

     MÉTIER D’HOMME

 

Il est un autre point sur lequel je veux appeler toute votre attention. C'est la mortalité infantile dans les familles de cheminots. Vous savez que la France vient au plus mauvais rang des nations européennes, avec 4,65 pour 100 de mortinatalité. Si la mortalité infantile est si élevée chez nous, c'est faute d'hygiène, c'est faute de soins. Il y a moins en France, peut-être, un problème de natalité qu'un problème de mortalité. En venant voir nos malades, vous avez l'occasion de pénétrer dans le logis, d'en constater la bonne ou la mauvaise tenue, la disposition plus ou moins défectueuse au point de vue de l'hygiène. Intervenez auprès du chef d'arrondissement.

 

Pour tirer des taudis les plus mal partagés de nos agents, nous édifions, dès cette année, 1200 logements sur les points où le besoin est le plus urgent. Cet effort sera continué. Nul doute qu'il ne facilite votre tâche.

En soignant bien nos agents, vous pouvez devenir leur conseiller et leur éducateur, leur enseigner la propreté personnelle, les soins à donner aux enfants, faire connaître aux mères de famille les organismes qui peuvent les aider : mutualités familiales, consultations de nourrissons, gouttes de lait, etc. L’hygiène sociale ne dédaigne pas les petits moyens. En ses applications diverses, elle a surtout besoin de méthode, de persévérance et de générosité.

 

De jour en jour, par une évolution qui, comme l'a écrit le Dr Rist, se moque des théories et ne respecte pas les définitions professionnelles, votre rôle social s'étend et prend une importance plus grande. Je parlais, il y a un instant, des maladies prophylactiques (1), ce dernier mot est à lui seul un programme : il implique, en effet, l'action du médecin, non plus seulement sur le malade, mais sur tous les membres de la famille, qu'il faut préserver de la contagion. Qu'il s'agisse de la tuberculose ou de la syphilis, le côté social des répercussions familiales tient, je le sais, le premier rang de vos préoccupations. Et pour ma part, je suis profondément convaincu que l'activité des médecins, comme celle des ingénieurs, doit s'étendre au domaine familial, parce que la meilleure façon de bien exercer son métier est de vivre quelque chose de plus grand que le métier lui-même.

Vous voyez, Messieurs, que par votre seule action médicale préventive, vous pouvez contribuer efficacement à la prospérité du Réseau auquel vous êtes attachés, et, selon l'expression d'un de vos éminents confrères, le Dr Louis Bazy, faire que les dépenses médicales deviennent des dépenses productives.

 

Raoul Dautry, Métier d'homme,

extrait de l'allocution aux médecins du Réseau de chemins de fer de l'État prononcée le 17 novembre 1929, Librairie Plon.

 

(1) Prophylaxie : ensemble de mesures préventives prises pour empêcher l’apparition d’une maladie

 

 

DOCUMENT 3

     LA MACHINE ÉGALITAIRE

 

Les systèmes sociaux et les services collectifs sont tous atteints par la contraction de la population, et plus encore par son vieillissement. L’assurance maladie au premier chef. Quelques chiffres mesurent le déséquilibre à venir. Les dépenses hospitalières représentent 50 % de l'ensemble des dépenses médicales ; elles correspondent pour les 4/5 à des maladies graves qui sont elles-mêmes l'apanage, pour les 2/3, des personnes âgées. Un usager moyen coûtera en dépenses d'hospitalisation à la collectivité autant dans les trois dernières semaines de sa vie que pendant toutes les années antérieures ! L'évolution des mœurs médicalise la société ; son vieillissement la surmédicalise ; le droit à la santé, le comportement médical, le progrès technique rendent fatal l'emballement des dépenses médicales. Celui-ci ne date pas d'hier: il a été masqué par l'accroissement indolore des ressources, aussi longtemps que l'expansion gonflait les voiles de l'État providence. Le phénomène était, de surcroît, atténué par la jeunesse d'une société dont les vieux constituaient une minorité. Qu'en sera-t-il lorsque le poids relatif se sera inversé, entre jeunes et vieux ?

 

La tension sera terrible entre l'aspiration aux soins, les capacités curatives de plus en plus élevées et l'impossibilité de les financer. Le mot d'euthanasie fait légitimement scandale, mais le rationnement inévitable de la médecine hospitalière signifiera-t-il autre chose qu'une euthanasie invisible et assourdie ? Or le rationnement existe déjà : la carte hospitalière en a été la première manifestation et la répartition forcée des moyens techniques lourds, l'instrument classique. Limiter les scanners et les appareils de dialyse, c'est peser sur la demande et, qu'on l'avoue ou non, raccourcir de manière statistique et aléatoire certaines vies. Peu perceptibles, ces restrictions constituent encore un frein modeste à la montée des coûts. Rien de commun avec ce qui nous attend. Ce sera insupportable. Insupportable, en premier lieu, parce que visible et connu : un débat de société s'ouvrira autour de l'euthanasie forcée, subie ou acceptée. Insupportable, ensuite, parce que aléatoire : la raison, fût-elle statistique, est un contrepoids insuffisant face à des enjeux portant sur le droit de vie et de mort. Insupportable, enfin, car générateur de formidables inégalités entre les vieux des classes moyennes obligés de passer sous les fourches caudines (1) du rationnement hospitalier et ceux qui, grâce à des assurances souscrites durant leur vie active par eux-mêmes ou par leurs entreprises, auront accès aux équipements et aux traitements les plus onéreux. C'est ainsi que se mettent en place les inégalités majeures dans une société en voie de vieillissement.

 

Alain Minc, La Machine égalitaire, Grasset, 1987.

 

(1) Passer sous les fourches caudines : subir des conditions déshonorantes, honteuses. (Allusion à un épisode de l'histoire romaine, 321 avant J.-C.)

 

 

DOCUMENT 4

     MÉDECIN, PATIENT : LE PREMIER PAS

 

Plus de 90 % de satisfaits : Les Français aiment leur médecin  dans des proportions qui dépassent l'entendement. Les résultats de  notre enquête, menée auprès de mille patients à la sortie du cabinet de  leur médecin, montrent à quel point l'exercice de la médecine reste  empreint d'un climat de respect qui frise parfois la vénération. La relation  très particulière qui unit le patient à celui qui se propose de le guérir ne  supporte pas en effet la méfiance. La confiance lui est octroyée d'emblée. Difficile dès lors de parler de façon critique et rigoureuse de l'art médical,  de comparer les pratiques des uns et des autres, même s'il y a nécessité  dans un pays où la longueur des ordonnances atteint des records et où la  formation médicale continue reste très faible.

 

L’Histoire montre à quel point les racines de la médecine puisent,  en dépit de l'extraordinaire progrès des connaissances médicales, dans la  foi et l'irrationnel. Dans les sociétés primitives, les fonctions de prêtre, de sorcier et de médecin étaient confondues. Les moyens thérapeutiques  se limitaient alors à quelques recettes, à une petite chirurgie rudimentaire  mais surtout à beaucoup de suggestion, appuyée par l'autorité de la religion.  Le médecin était parfois dispensateur de poisons ou jeteur de sort. Il faudra véritablement attendre la fin du XIXème siècle pour assister à l'avènement d'une médecine scientifique, fondée sur l'expérimentation et la déduction  logique. Début xxème la chirurgie progresse à pas de géant, de même que  l'hygiène générale (alimentation, propreté de l'eau, salubrité publique, etc.). L’apothéose survient avec la découverte des antibiotiques : en quelques  années, une multitude de maladies infectieuses, autrefois souvent mortelles, deviennent presque constamment guérissables. Pour le grand public, encore peu instruit, les médecins deviennent des hommes d'exception.  La relation entre le médecin et le patient est sans partage. La consultation  est décrite comme « la rencontre d'une confiance et d'une conscience », ce qui laisse bien rêveur.

 

Viennent les années soixante, le corps médical annonce pour  bientôt la victoire sur les cancers et les maladies cardio-vasculaires. La  croissance économique est alors forte et la société peut y mettre le prix.  Des progrès sont enregistrés, mais la brillante victoire annoncée ne vient  pas vraiment. On vit plus vieux, mais parfois aussi plus mal. Qu’importe ! Les patients gardent une confiance inébranlable en leur médecin. Mais, fait nouveau, ils veulent désormais comprendre et jouer un rôle plus actif. La propagation des connaissances médicales dans le grand public  n'y est pas étrangère. Ils ne veulent plus de praticiens qui prétendent  tout savoir : celui qui consulte son dictionnaire des médicaments pendant la consultation leur inspire confiance . Ils viennent consulter, c’est-à-dire demander un avis éclairé, et non pas prendre aveuglément des ordres. Ils veulent un rapport de confiance assorti d’un partenariat. Ne serait-ce pas le premier pas d’un consommateur de santé adulte ?

 

Luc Jacob-Duvernet, Que Choisir-Santé, n°32, juillet-août 1993.

 

DOCUMENT 5

     HUMOUR NOIR ET HOMMES EN BLANC

 

 

 

 

Serre, Humour noir et hommes en blanc, Editions Jacques Glénat, 1975.

 

 

Corrigé

Télécharger le sujet