Lors de ma formation à l'I.U.F.M. Antony Jouhaux (1995 - 1996) j'ai proposé ce module, pensé pour une classe de BEP. Bien que l'Histoire y domine, il me semble qu'il peut tout aussi bien être exploité en module de français ou en interdisciplinarité. Il implique en effet de la lecture, de l'écrit, de l'analyse de documents et de l'expression orale. La partie la plus concrète de ce travail se trouve au chapitre ÉLABORATION ET ANALYSE DES DOCUMENTS ÉLÈVES . Le reste du document est beaucoup plus théorique ...

 

============================================================================ 

 

 

MÉMOIRES INDIVIDUELLES ET HISTOIRE :

Module sur la mémoire individuelle ou familiale de l'élève

 

Voici deux exemples tirés d'introductions de témoignages qui racontent, l'un comme l'autre, l'histoire de vaincus et qui montrent à quel point la transmission aux générations futures, la quête de la vérité, le souci d'authenticité ou pour le moins de sincérité animent depuis toujours les historiens fussent-ils du "dimanche". Le premier extrait remonte au premier siècle de l'ère chrétienne, le second à 1876.

 

«De toutes les guerres qui se sont faites ou par des villes contre des villes ou par des nations contre des nations, notre siècle n'en a point vu de si grande, et nous n'apprenons point qu'il y en ait jamais eu de pareille à celle que les Juifs ont soutenue contre les Romains. Il s'est trouvé néanmoins des personnes qui ont entrepris de l'écrire, quoiqu'elles n'en sussent rien par elles-mêmes, toute la connaissance qu'elles en avaient n'étant fondé que sur de vains et de faux rapports. Et quant à celles qui s'y sont trouvées présentes, leur flatterie pour les Romains et leur haine pour les Juifs leur ont fait rapporter les choses tout autrement qu'elles se sont passées. Leurs écrits ne sont plein que de louanges des uns et de blâme des autres, sans se soucier de la vérité. C'est ce qui m'a fait résoudre d'écrire [...] . Mon père s'appelait Matathias ... »

 

Flavius Josephe, La guerre des Juifs contre les Romains (éd. Lidis - 1968)

 

«C'est un proscrit qui tient la plume,- sans doute ; mais un proscrit qui n'a été ni membre, ni officier, ni fonctionnaire de la Commune ; qui pendant cinq années, a vanné les témoignages ; qui a voulu sept preuves avant d'écrire ; qui voit le vainqueur guettant la moindre inexactitude pour nier tout le reste ; qui ne sait pas de plaidoyer meilleur pour les vaincus que le simple et sincère récit de leur histoire.

Cette histoire d'ailleurs, elle est due à leurs fils, à tous les travailleurs de la terre. L'enfant a le droit de connaître le pourquoi des défaites paternelles ; le parti socialiste, les campagnes de son drapeau dans tous les pays. Celui qui fait au peuple de fausses légendes révolutionnaires, celui qui l'amuse d'histoires chantantes, est aussi criminel que le géographe qui dresserait des cartes menteuses pour les navigateurs.»

 

Prosper-Olivier Lissagaray, Histoire de la Commune de 1871 (Maspéro - 1983)

 

 

 

Il y a deux ans, lors d’une intervention sur la situation économique de la France, et plus particulièrement sur les désastres engendrés par le chômage, une des élèves sortit brutalement du cours. Sans le vouloir, je venais de décrire une réalité tellement connue par cette élève que nous n’étions plus en cours mais dans une actualité vécue pleinement, entièrement, douloureusement par certains des élèves. L’élève revint en classe quelques instants plus tard puis expliqua à la classe qu’elle vivait à la maison une situation très similaire à celle décrite en cours. Et elle commença à parler ; parler de son père, sans emploi depuis longtemps, des tensions familiales plus importantes chaque jour, d’une lente dégénérescence, de l’entrée de l’alcool au domicile ... Son intervention volontaire permit aux autres élèves de mieux cerner une réalité qui, autrement, ne serait restée que théorique. Je tiens à préciser que cette élève a seule décidé de raconter son expérience et qu’il aurait été fort déplacé de ma part de lui demander d’exhiber sa douleur pour servir de témoignage. Ce type d’intervention a eu lieu à une autre reprise lors d’un cours sur la guerre d’Algérie. Une élève a expliqué à ses collègues que la situation de l’Algérie d’aujourd’hui n’était pas tout à fait celle qu’on pouvait présenter à la télévision. Elle nous livra un témoignage donnant un éclairage différent sur les difficultés traversées par son pays. Enfin, durant un cours dont j’ai oublié le thème, nous avons échangé sur l’origine de nos noms de famille. Et des bribes d’histoires individuelles ont été racontées et discutées par la classe, avec une qualité d'écoute remarquable. De ces expériences le constat suivant s'imposait :

 

Les élèves s'intéressent d'autant plus à une leçon d'histoire qu'ils se sentent concernés, qu'ils sont impliqués par cette leçon.

Les élèves ont, bien évidemment, une mémoire individuelle ou familiale de certains événements.

Les parcours des élèves ou de leurs familles peuvent constituer une base documentaire aussi recevable que le serait la lettre d'un soldat sur le front.

 

Le propos de ce mémoire est donc de s'interroger sur les points suivants:

 

Le potentiel mémoire élève est-il une source documentaire recevable et exploitable lors d'un cours ?

Cette exploitation sert-elle les finalités de l'enseignement de l'histoire en lycée professionnel ?

 

Bien entendu, il revient à l'enseignant de garantir que l'élaboration d'une telle documentation est librement consentie par les élèves et qu'il ne saurait y avoir de situation dans laquelle un élève aurait le sentiment de voir sa mémoire violée. Enfin, la source documentaire constituée ne pourra remplacer l'étude des documents classiques. Elle sera un plus permettant à l'élève une plus grande proximité avec le sujet abordé.

 

 

============================================================================ 

 

 

I. HISTOIRE, MÉMOIRE ET DOCUMENT

  • Qu’est-ce que l’histoire ?

  • Histoire et mémoire

  • Le statut du document

II. LES INSTRUCTIONS OFFICIELLES : QUEL ENSEIGNEMENT POUR QUELS ÉLÈVES ?

 

  • Les Instructions Officielles

  • L'élève face à l'enseignement

  • Mémoire individuelle et mémoire collective

III. ÉLABORATION ET ANALYSE DES DOCUMENTS ÉLÈVES

 

  • Quel projet pédagogique

  • Les pôles d'investigation

  • L'utilisation immédiate

 

IV. EXTENSIONS POSSIBLES DU TRAVAIL RÉALISÉ

  • Dans l'établissement

  • Hors de l'établissement

V. ANNEXES ET BIBLIOGRAPHIE

 

Accueil

Menu