1- « Quand tu aimes il faut partir ». Le poète manifeste dans le texte deux aspirations en apparence contradictoires. Lesquelles ? À qui s'adresse-t-il dans les vingt-quatre premiers vers ?

 

Le poème délivre un message paradoxal. Il apparaît dans un premier temps comme une déclaration d'amour qui ouvre (titre) et clôt (dernier vers) le texte. Il apparaît aussi comme une exhortation à se mettre en mouvement, à aller vers le monde, à vivre toutes les aventures, à prendre tous les risques, à fuir tous les cocons fut-ce celui de l'amour : « Ne te niche pas entre deux seins / Respire marche pars va-t'en » (vers 23, 24). Ces deux aspirations opposées sont donc celles de l'amour conçu comme une contemplation, comme une attitude immobile dans le temps et dans l'espace, aspiration confrontée à celle de l'action, du mouvement, dynamique vitale qui permet de s'accomplir dans la découverte du monde autour de soi.

Les vingt-quatre premiers vers s'adressent, sur un mode complice et familier, à un destinataire désigné par « tu ». Ce « tu » pourrait être la femme aimée, interpellée dès le titre (« Tu es plus belle que... »). Les premiers vers pourraient être une sorte d'adresse du poète à lui-même, comme un soliloque. En fait, le poète s'adresse à chacun des lecteurs, à chacun des hommes, à chacune des femmes, ainsi que le précise le vers 3 : «Quitte ton ami quitte ton amie ». Les tournures impersonnelles (« Il faut partir » vers 1, vers 5 et vers 21; « Il faut savoir » vers 17), les injonctions sur le mode impératif (« Quitte .. Regarde / Apprends ... Respire... »), les anaphores, l'expression des interdits (« Ne larmoie pas... Ne te niche pas ») font de ce propos répétitif, insistant, un message fort pour tout être humain, une règle de vie. L'emploi du présent confère au texte une valeur générale, une vérité universelle, comme une sorte de savoir-vivre.

 

2- En quoi ce poème est-il un chant d'amour à la vie ? Vous appuierez votre réponse sur un relevé des thèmes abordés et sur une étude précise des procédés d'écriture.

 

Le texte semble imposer le thème de la rupture opposé au sentiment amoureux, ce qui ne renvoie pas à l'idée communément admise du bonheur. Cependant, on peut dire que ce poème est un chant d'amour à la vie. La vie y est en effet évoquée dans ses différentes facettes : la nature dans ses composants les plus simples (« l'air... le vent... les montagnes, l'eau, le ciel, la terre ») et les plus humbles (« le charbon de terre ») ; les êtres vivants des « plantes» aux « animaux » ; l'humanité dans sa multiplicité et dans sa singularité, dans sa diversité ethnique et sexuelle ( « nègre... négresses... des femmes, des hommes... cet homme... cette femme »). D'autres thèmes sont plus surprenants : l'activité économique, mercantile, dans son aspect besogneux est célébrée (« magasins... fiacres... marchandises... acheter... revendre... donne prends... Travailler »). Cette évocation de la vie sociale recoupe le thème du mouvement souligné par de nombreux verbes d'action (quitter, partir, apprendre, donner, prendre, courir, manger, travailler, respirer, marcher, s'en aller... ). Ce dynamisme, cette agitation, cette conquête du monde passe par le corps, exalté, comme placé au centre du monde « outil » pour appréhender le monde : le regard (« Regarde... Je vois »), le plaisir physique éprouvé (« manger... boire... je prends mon bain »), l'activité physique (« courir... marcher »), l'expression par le corps ( « chanter... siffler »). Ce thème du corps est particulièrement développé dans la dernière partie du poème, plus personnelle (« je »), dans l'évocation prosaïque du coq jusqu'à la déclaration saisissante « Je pèse mes 80 kilos » qui, dans sa matérialité affirme pleinement la présence au monde et le sentiment charnel, physique, de l'existence.

Les procédés d'écriture contribuent en outre à faire de ce poème un véritable « chant » : la versification irrégulière, l'absence de ponctuation, de liens grammaticaux, l'emploi de mots isolés, les répétitions, les anaphores donnent une impression de foisonnement, de fébrilité, qui évoque le grouillement de la vie dans une confusion de simultanéités et de coïncidences. La succession rapide des thèmes, des références, la juxtaposition des mots et des expressions font penser à des images de cinéma, comme un film où le défilement rapide des plans et des séquences mime la vie trépidante du monde moderne. Ainsi, par exemple, les vers 7, 8 et 9 évoquent la rue commerçante et animée, comme vue par un observateur ou une caméra : « Des femmes des hommes des hommes des femmes , les beaux magasins... ce fiacre cet homme cette femme ce fiacre... les belles marchandises »). Le lexique frappe par sa simplicité qui confine à la pauvreté : « les magasins sont « beaux », les marchandise sont « belles ». Le poète note, sans y rien changer ou expliquer, ce qu'il voit ou éprouve, comme un enregistrement « impressionniste ». L'emploi des impératifs, les valeurs du présent font du poème un « discours » vivant, comme immédiat et instantané.

Ainsi, par l'enthousiasme, la hâte fiévreuse, l'émerveillement renouvelé devant le monde, par sa volonté d'ouvrir la poésie au monde et à l'aventure, par son ambition de traduire par l'écriture les sensations et le mouvement, mais aussi par ses affirmations, ce poème au ton lyrique est un chant d'amour à la vie, la vie « pleine de choses surprenantes ».

 

3- Écriture

  • respect de la longueur («une quarantaine de lignes »)

  • qualité de l'expression (syntaxe, orthographe, richesse du vocabulaire)

  • graphie et présentation

  • prise en compte de la situation de communication : l'écrit attendu a la forme normalisée d'une lettre : disposition, lieu, date, formule d'appel, formule de politesse, destinataire identifié...

  • prise en charge explicite du point de vue opposé, reprise et contestation du point de vue initial

  • visée argumentative claire : organisation et cohérence de l'argumentation, développement d'arguments pertinents, exemples, articulations...

  • respect des marques du discours : emploi de la première personne, temps des verbes

on valorisera les productions qui traduisent un souci d'efficacité du message, qui utilisent un ton convaincant.

 

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